Le journal de Tintin
Les enfants qui, comme moi, dans la deuxième moitié des années cinquante, avait une dizaine d'années, bénéficiaient d'une grande chance. Chaque jeudi, ils pouvaient lire le Journal de Tintin ou celui de Spirou, disparus depuis bien longtemps aujourd'hui. Ces deux publications pour la jeunesse ont apporté souvent à la culture générale de leurs lecteurs bien plus que les cours de leurs professeurs. Ma mère m'achetait donc, presque chaque semaine, au prix de 0,60 "nouveau" francs, ce titre conçu par les équipes d'Hergé. Les planches de bandes dessinées alternaient avec les articles et les chroniques illustrés de superbes photos sur papier glacé. Il y avait toujours de quoi faire rêver et alimenter notre imagination, nos connaissances.
J'aimais lire et relire les histoires complètes que l'on découvrait en ouvrant notre hebdomadaire. C'était très bien fait et les textes et les images s'inscrivaient en ma bibliothèque intérieure. Cette mise en lumière des "Grands Hommes" des grands moments de l'Histoire de France ou du Monde me permet encore aujourd'hui bien longtemps après de les avoir présents en mon esprit. Si je sais tout, un demi-siècle plus tard, sur Nicolas Appert, l'inventeur de la mise en conserve et grand bienfaiteur de l'humanité, oublié et mort dans la misère, je le dois au Journal de Tintin. Et grâce à l'Oncle Paul de Spirou, combien de belles histoires ai-je encore en mémoire. Combien de bonnes notes ai-je obtenues au lycée grâce encore à la lecture de ces deux parutions.
Lorsque je repense à cette lecture hebdomadaire, je ressens encore le plaisir qu'enfant j'éprouvais à découvrir à travers les articles, les dessins, le monde qui m'entourait et dont la découverte me passionnait. Tintin présidait de son sourire cette revue et s'entourait de héros parfois farfelus mais toujours attachants.
Je regrette aujourd'hui de ne pas avoir conservé ces journaux. Ils ont disparu sans doute lors d'un déménagement. Même dans les plus vieux cartons oubliés, je n'en ai retrouvé la trace mais lorsque sur un stand de vieux livres j'ai la chance de feuilleter quelques exemplaires jaunis par les décennies, j'ai le plaisir de constater qu'aussi bien le Journal de Tintin que celui de Spirou n'ont pas pris une ride, que leurs bandes dessinées pourraient paraître aujourd'hui sans être dépassées ou démodées.
N'oublions pas non plus, en ce pays des publications pour la jeunesse "Coeurs Vaillants" pour les garçons et "Ames vaillantes" pour les filles. C'est dans "Coeurs vaillants" que je me passionnais pour deux jeunes aventuriers Oscar Hamel et Isidore, création d'un dessinateur de grand talent: Frédéric-Antonin Breysse. Frédéric-Antonin Breysse était un homme complet dans son domaine: du scénario, aux textes et montages , il faisait tout, et tout bien. Il était même un humoriste visionnaire. Dans "La rivière de feu" sombre histoire de complot contre le Maharadjah de Radagpenda, ce dernier pose cette question en parlant d'une maquette de robot:"Cet avorton mécanisé qui agit sans âme et marche sans volonté sur un chemin sans but!... Sais-tu ce que c'est, Balga Tabla? et la réponse ne se fait pas attendre: "Oui altesse, c'est l'Occident!" N'est-ce pas la réalité aujourd'hui!
Avec Oscar et Isidore, j'ai franchi l'Equateur, traversé la jungle africaine, rencontré les extra-terrestres et visité la Bretagne. Chaque publication était accompagnée de "hors-texte", documents locaux ou poème célèbre.
La lecture en mon enfance faisait partie de ma vie comme elle faisait partie de la vie de tous les enfants et adolescents de mon époque. Combien de fois ai-je entendu mes parents me dire : "Arrête de lire et dors!" Mais comment s'endormir sans savoir ce qu'il y a à la page suivante! Alors, caché sous la couverture, une lampe électrique à la main, je continuais à suivre les aventures de mes héros avant de les rejoindre en rêve pour qu'ils m'accueillent en leur histoire. Je lisais ainsi encore un long moment qui me paraissait bien court. Je devais très rapidement avoir la preuve que la lecture sauve de l'ennui et qu'elle peut transformer en relatif bonheur des heures assombries. Mais cela mérite un chapitre à part entière.
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