"Tati de Marseille"
Avant de revenir hanter l'appartement de mes grands-parents, il est important de faire entrer sur le devant de la scène celle que tous nous nommions "Tati de Marseille", autrement dit, Marguerite, la soeur de ma mère et la deuxième fille de Pierre et Marie Louise.
A cette époque, Marguerite était encore un prénom féminin à la mode et pas encore un patronyme réservé aux vaches laitières. Il y avait d'ailleurs dans les années 50, pour célébrer les Marguerite, une rengaine que j'avais apprise et que je chantais à ma tante: "Si tu veux faire mon bonheur, Maaaargueriiiteee! Donne-moi ton coeur! " Une nullité musicale certes mais une rengaine qui vous entrait dans la tête et dont il était difficile de se défaire...
A cette époque, Marguerite était encore un prénom féminin à la mode et pas encore un patronyme réservé aux vaches laitières. Il y avait d'ailleurs dans les années 50, pour célébrer les Marguerite, une rengaine que j'avais apprise et que je chantais à ma tante: "Si tu veux faire mon bonheur, Maaaargueriiiteee! Donne-moi ton coeur! " Une nullité musicale certes mais une rengaine qui vous entrait dans la tête et dont il était difficile de se défaire...
Je ne savais pas, et cela était normal car j'avais moins de 5 ans à l'époque, que le bonheur de Marguerite avait été définitivement brisé par un drame terrible. André, son jeune mari avait été mortellement blessé dans un accident. Sa moto, une Terrot 125 avait été renversée par un chauffard, gangster notoire à l'époque, escroc de haut vol qui roulait à 160 km/h à la sortie d'Aix-en-Provence au volant d'une grosse américaine. Un procès s'ensuivit. Il fut proposé à ma tante de choisir entre une grosse somme ou une pension à vie, pension supprimée en cas de remariage. Elle choisit la pension. Les avocats du voyou se frottèrent les mains: une veuve de 22 ans, jolie de plus. Cette solitude dramatique était pour eux une situation qui ne pouvait pas durer. Ce qu'il ne savait pas, c'était que Marguerite ne se remarierait plus jamais.
J'ai toujours vu, sur la table de nuit de ma tante, le portrait de son mari, gros plan sur un jeune homme à la chevelure ondulée, un portrait digne de celui d'une star d'Hollywood. Le destin de mon oncle mériterait à lui seul un ouvrage complet. Né à Pont-en-Royans, orphelin très jeune, l'école de marine Courbet fut le dur cadre de ses études, Mestrance ensuite puis vint la Seconde Guerre Mondiale. Rescapé du sabordement de la flotte à Toulon, le bâtiment sur lequel il servait trouva refuge à New York. Là son destin devint double: rencontre avec une française installée aux Etats-Unis et réussite à une sélection pour devenir pilote dans l'US Navy. Cinq cents candidats et deux places pour un départ à Memphis et belle histoire d'amour avec la fille de la française rencontrée à NY. Bien des années plus tard, mon frère, prénommé André en son honneur et en sa mémoire, dénouera les fils de cette épopée américaine en retrouvant, tel un Columbo français, la famille qui avait pris notre oncle sous son aile outre-atlantique.
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